jeudi 15 juin 2023

 Le papillon


Le papillon, donc sa fabrication, a été l’une des activités privilégiées de mon enfance.

En effet, sa réalisation est très facile, et les matériaux ainsi que les outils étaient à portée de ma main.

Planche du Larousse 1897.
Où est-ce que j’avais appris ; où avais-je trouvé les modèles ? Aucun souvenir ; mais, la manière de faire est bien présente à mon esprit !

Le modèle vient à coup sûr de l’ « Encyclopédie Larousse » que nous avions à la maison, et qui avait été le cadeau que mon père avait reçu du sien, en 1900, pour son Bac…

Cette encyclopédie a été pour moi, enfant, dès que j’ai su lire, ce que peut être Internet aujourd’hui : la source des réponses à tout.

Les magnifiques planches en couleurs de cet ouvrage étaient pour moi d’inépuisables sources de rêves…

J’ai choisi pour cette fiche le papillon « Monarque », d’abord pour sa splendeur, puis pour l’énigme de son existence que je ne connaissais pas à l’époque, et enfin pour des raisons écologiques.


 Le Monarque est un grand papillon célèbre pour ses migrations de grande ampleur sur le continent américain. Il se déplace par groupes de millions d'individus sur des distances pouvant atteindre 4 000 km, du Canada, des Etats Unis, au Mexique, Venezuela, Colombie, etc., deux fois par an, d'août à octobre vers le Sud, et au printemps vers le Nord.

La distance est bien évidemment extraordinaire, mais l’inexplicable prodige est que cette migration s’effectue en deux générations, voire trois: une à l’aller, l’autre au retour. Cela signifie donc que leur « savoir » se transmet des parents aux enfants par… les gênes ! ! 

Au Mexique, notre papillon se réfugie sur des pins « Oyamel » de la Sierra Nevada, au Nord.

Mais, voilà : cette zone climatique, et les terres des alentours, sont propices à la culture des avocatiers, alors, des entreprises agricoles qui exploitent la culture de l’avocatier se sont mis à arracher les pins oyamel !

Du coup, les papillons ont de moins en mois de territoire, et pourraient même disparaître de cette zone… 


Matériaux nécessaires

Une feuille de papier A4 assez fort ou de la cartoline blanche, des marqueurs ou des crayons, des tubes de peinture, de couleurs variées.

Une petite baguette de bois.

De la colle.


Réalisation



Plier et couper la feuille en deux, et sur une moitié elle-même pliée en deux, dessiner un demi papillon.

Découper ce papillon en conservant la feuille pliée. Ouvrir la feuille.

Au crayon, dessiner les nervures sur les ailes puis les surligner avec un marqueur très fin.  

Nervures papillon monarque.


A partir du modèle, appliquer les couleurs.

Découper et tailler le corps du papillon dans la petite baguette fendue en long, puis la peindre, et enfin la coller.


Pour la fixation du papillon, utiliser par exemple du sparadrap : réaliser un cylindre autour d’un doigt, en collant les deux bouts du morceau de sparadrap, face collante à l’extérieur.  

Exemplaire terminé.

Ce tube, fixé au dos du papillon, servira de collant à deux faces.


Remarque sur les objectifs

Le jeu est fait pour jouer ; l’apprentissage en découle naturellement, et non l’inverse.

Il faudra insister sur l’étonnante transmission des « savoirs ».

La catastrophe climatique est bien assez présente dans les média : il suffira de dire que le territoire mexicain des monarques est en péril.


Complément littéraire

Dans son très beau roman « Monarques », Sébastien Rutés, qui est venu à Pujols en novembre dernier, a écrit ça :

 

« Au printemps, les papillons nés au Mexique retournent vers la région des Grands Lacs nord-américains. Ils traversent les États-Unis en moins de six mois, soit trois générations. La quatrième naît au Canada au début de l'automne et entreprend le voyage retour vers le Mexique. Cette fois, la migration se fait en une seule génération, dont la durée de vie est de sept mois. Arrivés à destination, les papillons entrent dans une phase d'inactivité tout l'hiver pour se reproduire en mars, avant que le cycle recommence.

Les individus qui s'installent en novembre dans les forêts du Michoacan sont donc les arrière-petits-enfants de ceux qui les ont quittés en avril. Comment savaient-ils où se rendre ?

Chaque année, les monarques s'installent exactement dans la même montagne, sur les mêmes arbres de ce sanctuaire, et empruntent le même chemin pour y parvenir, sans qu'on ait découvert comment les différentes générations se transmettent les informations.

L'instinct, l'atavisme, les horloges circadiennes logées dans leurs antennes, aucune réponse n'est satisfaisante.

On sait seulement qu'à un moment, les individus de la quatrième génération éprouvent l'irrépressible besoin de retrouver la terre de leurs ancêtres et que rien, ni la distance ni le temps, ne parvient à leur faire obstacle, capables qu'ils sont même de tripler l'espérance de vie de leur espèce pour parvenir à leurs fins.

J'ignore s'ils ressentent eux aussi la nostalgie d'un passé qu'ils n'ont pas connu ou souffrent de l'insatisfaction du présent, ce sentiment de s'être trompé d'époque, de n'être pas à sa place, la mélancolie de l'exilé dans le pays où il est né. Le mal d'un pays dont on ne connaît pas le nom.

Je ne sais pas s'ils conservent dans leur petite mémoire de papillons les souvenirs des générations passées, une hérédité de sensations douces, la tiédeur, le parfum des oyamels.

J'ai lu quelque part que ce seraient les millions de cadavres de leurs congénères mêlés depuis des siècles à la terre de cette région qui les attireraient.

Je préfère me persuader que la nostalgie de la beauté des bois sacrés est un attrait plus fort que l'odeur de la mort, mais c'est un paradoxe fascinant que cette quatrième génération voie sa longévité accrue uniquement pour rallier le lieu où donner la vie, initier un nouveau cycle et mourir. »


Cet extrait est un cadeau que nous fait Romain, ami du Jouet Rustique, et bibliothécaire à Pujols. Romain est un remarquable lecteur et animateur qui organise plusieurs fois par an des rencontres littéraires à la Maison du Jouet Rustiques, et parmi elles, une avec Sébastien Rutés qui est écrivain et maître de conférences, agrégé d'espagnol, titulaire d’un doctorat en 2003 à l'Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.