samedi 30 juillet 2016

Un bien drôle d oiseau !

Un bien drôle d oiseau !

         En mai 2015, à Yeguevo, dans les Rhodopes, massif montagneux de Bulgarie du Sud, a été découvert par les gens du lieu un bien curieux objet, de toute petite taille : à peine 10 cm de haut et pesant 30 grammes, en bronze mêlé d’argent.

          Il est décrit par la presse de la manière suivante : « Il consiste en un tripode qui
soutient ce qui semble être la tête d’une cigogne qui peut bouger et ‘boire de l’eau’. » « Les yeux de la cigogne sont faits en cornaline, une gemme semi-précieuse que l’on trouve dans les Rhodopes. » Cet objet a été daté de 1.200 / 1.500 Av, J.C.
Le plus surprenant est qu’il a été considéré d’emblée comme « le plus vieux jouet d’enfant d’Europe ». Et il a été nommé ainsi car la pléyade de spécialistes et autres experts de l’Age du Bronze qui l’ont examiné « ne sont pas parvenus à déterminer à quoi d’autre pouvait servir un tel engin » !
Certains d’entre eux se sont tout de même demandé si l’objet ne pouvait pas avoir eu un sens religieux...
Cela pose à l’évidence d’importants problèmes concernant les jouets et le jeu, en relation avec le « sacré », sans parler des questions pratiques et de bon sens.

          Examinons-le de plus près, avant sa « restauration ».

           Le trépied avec le creuset, et l’ensemble qui constitue la tête et le cou sont de toute évidence inspirés de formes végétales, à peine retravaillées.
          Ce type de fourche à trois dents est fréquent sur l’arbousier, l’olivier, entre autres : l’ouverture de l’angle et la forme des attaches en sont caractéristiques.
Quant au bourrelet qui couronne le creuset, il pourrait fort bien rappeler un cercle d’écorce conservé.
Pour la tête et le cou, on imagine facilement une branche ayant une extrémité coupée en arrondi au niveau du crâne, le bec étant le départ d’une branche adjacente. Et l’ensemble serait posé dans le creuset, ‘à l’envers’, dans le sens inverse de celui de la pousse de l’arbre.
La tête est mobile, comme le montre une vidéo, et elle ne semble pas être fixée au fond du creuset. Il serait très intéressant de voir quelle forme présente l’extrémité invisible du cou. Par déduction du mouvement visible sur la vidéo, on peut sans grand risque d’erreur penser que cette extrémité est arrondie, et que le fond du creuset l’est aussi. Pour faciliter le mouvement ? Bien sûr !
          Les journalistes —et peut-être aussi les savants!— écrivent que le mouvement de cette tête lui sert à « boire de l’eau ». Au sens propre, évidemment non ; au sens ludique, tout est possible par l’imagination. Et dans les pages du « Mail Online », on

« Oiseau buveur »
va jusqu’à faire un rapprochement avec un jouet moderne, l’ « oiseau buveur », qui fonctionne selon un principe physique et une mécanique bien trop compliqués pour l’époque. Évident anachronisme !

Alors, est-ce un jouet ?
D’abord, on ne peut pas penser le jouet d’il y a plus de 3.000 ans avec les critères de ceux d’aujourd’hui : tout jouet s’inscrit dans un contexte. A cette époque-là, le contexte était celui du sacré et des dieux du temps ; aujourd’hui, le dieu et le sacré sont le Dollar et les loisirs !
Bien sûr, les enfants ont toujours été les mêmes, capables de « faire jeu de tout bois », mais on peut aussi penser, comme le dit un « post » ajouté à l’article du site « Archaelolgy in Bulgaria », que : « Mother May 7, 2015 at 7:53 pm. Any mother can tell you that deadly object is not a toy. The long, sharp legs were meant to puncture something, probably not a child. » (Mère, 7 mai 2.015. Toute mère peut vous dire qu’un objet mortel n’est pas un jouet. Les longues jambes pointues étaient destinées à percer quelque chose, probablement pas un enfant.) Le bon sens d’une mère est le même de toute éternité !
          Ensuite, cet instrument est fait de bronze mêlé d’argent : on peut facilement en inférer qu’il n’était pas ordinaire. Si l’on ajoute à cela qu’il a été trouvé près d’un couteau sacrificiel, on entre vraiment dans le contexte d’un « sacré », dont l’un et l’autre sont des instruments.

A gauche, le couteau sacrificiel.

Pour aller plus loin, il faudrait voir la signification symbolique de la cigogne —elle en a bien une encore aujourd’hui !— et de l’arbre dont le trépied imite la forme, par exemple l’olivier, emblématique de ces régions.
          La « restauration du « jouet » semble l’avoir complètement dénaturé :

disparition des formes et de l’ouverture des angles d’inspiration végétale, pour en faire une espèce de bidon ou de château d’eau militaire à l’ancienne; et cette tête plantée bien droite, et qui semble devenue fixe...
Ma conclusion ?
Ce ne sont que des hypothèses, bien sûr !
Compte tenu de ce que me montrent les seuls documents iconographique que j’ai consultés (ici reproduits), je pense qu’il s’agit d’un instrument lié à un culte, donc au sacré, et réservé à quelque « grand prêtre ».
Pour quoi faire ?
S’il s’agit, comme je le crois, d’un mortier portatif (sa petite taille), le cou de la cigogne devait servir de pilon, et non pas pour piler l’ail destiné à confectionner le rata de la soldatesque, mais quelque chose de beaucoup plus subtil...
Comme quoi, par exemple ? Comme de très puissants ingrédients de type hallucinogène, en petites quantités largement suffisantes pour entrer plus rapidement en contact avec les dieux, bien sûr, comme cela se faisait à la base de toutes les religions.
Et le bec pointu ? Eh bien pour se scarifier ou s’injecter la « potion magique » !
Un drôle d’oiseau, en effet...
 




Copie « maison » réalisée avec une fourche en olivier.  


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