vendredi 22 février 2013

Où va le vent ?

Où va le vent ?
Je me suis souvent demandé ce qui, dans la Nature, a pu donner aux Hommes l’idée de fabriquer des cerfs-volants. Il me semble que certaines feuilles de platane qui, retenues par leur long pétiole, tentent désespérément de prendre leur essor au moindre coup de vent —et ne le prennent qu’une seule fois… pour mourir !— ont bien pu leur servir de modèle.

L’origine précise du cerf-volant se perd dans la nuit des temps. Mais, si une chose semble certaine, c’est qu’il ne pouvait naître qu’en Chine ou dans cette partie du Monde. Et pourquoi cela ? Parce que, pour le réaliser, des matériaux spéciaux que seule la Chine connaissait en ces temps reculés sont nécessaires: le papier et/ou la toile de soie. Le bambou, souple, résistant, léger et endémique de cette région, mais qui n’est pas indispensable, était aussi le bienvenu.

Même si aujourd’hui on en trouve de particulièrement sophistiqués, le principe de base du cerf-volant reste le même, depuis les origines : une armature toilée que l’on maintient en l’air, face au vent, par une longue ficelle.
Le cerf-volant, comme beaucoup d’objets traditionnels, porte des noms bien différents, selon les langues qui servent à le nommer. Ces noms vont-ils nous éclairer, et sur quoi ?

En français, son orthographe est un ‘faux ami’, car « cerf » nous envoie sur une piste bien peu convaincante, surtout associée à « volant ». Par contre, pour qui connaît un peu l’occitan, dans « cerf » on entend « sèr » ou « sèrp », « la sèrp », car le mot est féminin, c’est le serpent . C’est beaucoup plus intéressant, ‘le serpent volant’. Et ce n’est pas anodin ! Cela signifie, déjà, que la langue française a emprunté à l’occitan, mais seulement la sonorité du mot « sèrp-volanta », sans en connaître le sens, lui faisant perdre par là sa valeur symbolique. Cela se passait vers 1660.

La langue russe confirme bien cela ; en effet, si le mot « Змей » (prononcé « zmieï ») signifie cerf-volant, il signifie aussi « serpent ».

En bulgare, le même mot, signifie « dragon », et il fait allusion à une vieille mythologie.
Si nous nous tournons vers l’espagnol, une autre piste s’offre à nous : en Espagne, on dit « la cometa » pour le cerf-volant, et « el cometa » pour la comète. Souvenons-nous qu’en Grèce « κομήτης », la ‘comète’, signifie aussi « chevelu », lorsque c’est un adjectif.

Encore de la magie, là-dessous, direz-vous ? Eh bien oui, certainement.

Tout le mystère du ciel et des constellations, tout le maléfice des comètes qui, conjuré, se tourne en bénéfice. Les modernes cérémonies, souvenir brouillé des anciennes, par exemple au Japon lors du printemps fleuri des cerisiers, en font pleinement foi.
Et nous allons encore aller plus loin!

Chez les Māoris, le cerf-volant est intimement lié à "Matariki", et il était considéré comme un lien entre ciel et terre.
"Matariki" est un petit faisceau d’étoiles, également connu sous le nom de Pléiades.

Pour les Māoris, l’apparition de "Matariki, à l’aube, sur l’horizon, au même endroit que le Soleil levant, vers la fin du mois de mai, est le signal de la fin d’une année et du commencement d’une autre.

Tiens, les pléiades, comme c’est curieux : les anciens Egyptiens guettaient eux aussi l’apparition des Pléiades pour fêter la nouvelle année !

"Matariki" était également un temps de rapprochement intertribal, qui favorisait la création d’amitiés et le partage des idées et des technologies.

On voit clairement ici le processus « girardien » de transformation du bouc émissaire en idole qui ramène l’ordre dans le groupe, qui lui apporte les savoirs, et les rituels qui le commémorent.

Et, s’il y avait encore plus mystérieux ?

Les légendes nous parlent de "Tawhaki" qui essaie en vain de suivre "Tangotango" au ciel sur un cerf-volant, de "Rahi" qui utilise un cerf-volant pour poursuivre "Te Ara", et de "Maui" qui se sert d’un cerf-volant pour survoler la terre.

Une autre légende parle de "Ranginui" (le dieu du Ciel) s’élevant à l’est, au-dessus de l’horizon, au commencement de la nouvelle année Māori, entouré de "Matariki", "Puanga", "Takuru" (Sirius) et "Tautoru" (la constellation d’Orion).

Les gravures rupestres de Kaupulehu, à Hawaï, nous montrent des « cerfs volants » bien étrangement réalistes :

Alors, allons jusqu’au bout des questions qui gênent:


Qui était ce “dieu du ciel”, et qui était ce personnage qui venait d’Orion et qui se servait d’un cerf-volant pour survoler la Terre ?

On pense aux travaux de Zécharia SITCHIN, sur les tablettes sumériennes, et à la planète Nibiru, avec ses habitants les Annunakis...



Mais, revenons sur Terre...
L’une de mes plus grandes déceptions d’enfant bricoleur —et même d’adolescent— a été de ne jamais parvenir à faire fonctionner correctement un cerf-volant !

Je me revois encore courant contre le vent, essoufflé, époumoné, épuisé, tentant de faire décoller, puis de maintenir en l’air, l’un des multiples engins que j’avais fabriqués. Las ! Il retombait toujours, après avoir esquissé quelques lourds zigzags à quelques pieds du sol…

Et le vent n’avait pas toujours la bonne idée de souffler dans le sens de la montée !

J’avais pourtant dû trouver des plans, dans quelque journal des familles ou manuel de scoutisme, mais je n’avais aucune notion d’aérodynamique et, autour de moi, personne pour me tirer d’affaire : je devais faire figure, au village, de jeune illuminé.

Je n’ai pas conservé de trace de cerf-volant datant de cette époque. Par contre, j’ai encore un dessin, plus tardif, de « navigateurs pour cerf-volants » —orthographe comprise—, qui me prouve bien que, longtemps après, j’avais encore bon espoir…


J’ai conservé de ce temps un certain « blocage » comme disent les psys et je n’ai pratiquement jamais plus tenté de nouvelles expériences avec les cerfs-volants.

En quoi consiste aujourd’hui mon souvenir ? En un pincement au cœur et une frustration d’enfant que je revois, seul, impuissant, désappointé.

Ai-je depuis réussi à conjurer le mauvais sort des comètes ?

Comme il est loin, le vent de mes vieux cerfs-volants ! Et que m’a-t-il appris, lorsqu’inutilement, en apparence, je courais contre lui ? N’était-ce pas, à mon insu, le dur apprentissage de mes limites et de la modestie ?

Où va le vent des cerfs-volants ?

La vie, comme le vent, ne serait-elle qu’une fortuite agitation de molécules ?

Où va le vent des cerfs-volants lorsqu’il s’arrête?

*

Aucun commentaire: