mercredi 13 janvier 2010

Jeu et métanoïa



Le concept ancien de «metanoïa» avait déjà été monopolisé depuis longtemps par les religions, spécialement celles issues de la Bible qui l’ont traduit par ‘pénitence’ ou ‘repentance’, termes chargés de dolorisme, de culpabilisation et d’aliénation à qui a le pouvoir de guider les fidèles, «Dieu» ou ses «représentants».
Récemment, il vient d’être récupéré par les «coachs» de l’entrepreunariat : une sorte de conversion aux nouveaux dieux du consumérisme, du business et de la financiarisation !
Sommes-nous tombés de Charybde en Scylla ?

Pour s’en faire une idée, il nous faut réapprendre à penser, tenter de récupérer un peu du temps et du sens perdus, par exemple depuis Eratosthène (276 – 194 Av. J.C.) qui avait su mesurer avec une étonnante précision le diamètre de la Terre, avant que sa découverte ne soit étouffée pour presque 2000 ans, par les divers obscurantismes...
Mon propos, ici, serait d’abord de revenir aux origines, puis de réfléchir à ce que ce concept ancien pourrait avoir de commun avec le jeu, et le jouet, bien sûr, et plus généralement avec l’ordre social.

« Métanoïa » est, comme chacun l’aura deviné, un mot grec ; de cette Grèce Ancienne qui a fourni les meilleurs outils de notre pensée, en Occident et même ailleurs.
Il est composé de deux parties : « meta » et « noia », que nous étudierons d’abord séparément, puis dans leur synergie.
La préposition « méta » signifie ‘avec’, en présence du génitif, ‘après’, ‘depuis’, ‘à la suite de’’, ‘à la poursuite de’, avec l’accusatif et ‘entre’, ‘parmi’, ‘dans’, avec le datif.
Utilsée comme préfixe, elle apporte une notion de succession, de changement au mot dont elle prend la tête.
La partie « noia » du mot provient de « nous » dont les sens sont multiples : esprit, âme, intelligence, raison, sagesse, prudence, pensée, avis, sentiment, dessein, projet, sens, signification.
La fusion des deux termes forme une synergie. On pense par exemple à « métamorphose » qui signifie ‘passage à une autre forme’, dans un muvement de transcendance : la chenille qui devient papillon.
Ainsi, la « métanoia » serait un dépassement de toutes les notions listées dans les sens de « nous ». Ce serait l’acte de transcender tout cela, de donner une nouvelle orientation à la vie, non seulement en lui faisant opérer une révolution copernicienne, mais encore en la plaçant sur un plan et dans un ordre radicalement différents.
Mais, quelle nouvelle orientation, et quel plan, quel ordre ? Et pour combien de temps ? Et pour quelle raison ou à partir de quel déclencheur ?
Prenons quelques exemples de ces changements : la « conversion » en est un, conversion à une religion ou à autre chose: politique, écologie, etc. C’est aussi le cas à l’issue d’une « NDE » (Near death experience) ou des rituels d’initiation entre autres.
Certes, on évoque ou on constate parfois qu’un choc émotionnel, esthétique, etc., peut servir de déclencheur, mais je pense qu’au plus
profond de cette démarche il y a l’expérience réelle ou symbolique, ou même imaginée, d’un contact avec la mort.
« Mourir » pour grandir !
La métanoïa n’est pas déclenchée pas par la raison ni par la volonté, mais par certains « électochocs » qui atteignent et « reprogramment » les couches les plus primitives du cerveau, ce que, traditionnellement, on nommait « le coeur ».
L’observation montre que dans ces situations, le changement est, la plupart du temps, irréversible, et qu’il se fait le plus souvent vers la disparition de la peur de la mort, vers le mépris des futilités de la vie et dans le sens de la solidarité envers son prochain.
Exactement l’orientation inverse des modèles et des « valeurs » de nos sociétés actuelles... ! !

On se demandera maintenant : et le jouet, et le jeu là-dedans ?
Eh bien, si l’on considère que le jeu —le jeu digne de ce nom—, est un rite, cela a tout à voir avec la métanoïa, à une bien plus modeste échelle, bien évidemment.

Simplement en apprenant à perdre, et aussi à gagner !