mardi 22 avril 2014

La toupie fait tourner le Monde

 La toupie fait tourner le Monde

Durant quelques secondes magiques, la toupie tourne sur son axe cosmique, comme n’importe quelle planète, faisant ainsi tourner le Monde, depuis des millénaires...

Sa forme a-t-elle été inspirée par le gland qui tombe sur sa pointe ?
Toujours est-il que, probablement, toutes les plus vénérables civilisations l’ont connue : la Chine, l’Egypte, la Grèce, Israël, etc.

Au fait, la toupie, comment ça fonctionne, et pourquoi ça tient debout quand ça tourne ?
Procédons par étapes.
Attachez une pierre au bout d’une ficelle, et faites-la tourner au-dessus de votre tête. La pierre va progressivement s’élever, jusqu’à ce que la corde arrive à l’horizontale qu’elle ne dépassera jamais. Elle essaye de s’échapper, la pauvre..., et donc elle s’éloigne le plus possible de son point d’attache : c’est l’effet de la force centrifuge que vous lui avez communiquée.
Imaginez maintenant un axe autour duquel seraient attachées une multitude de pierres au bout d’autant de ficelles. Faites tourner l’axe, les pierres vont toutes s’élever, et tirer vers l’extérieur.
Et, comme il y a une multitude de ficelles disposées en rayons de roue, elles vont tirer par « couples », c’est à dire que deux par deux, elles vont tirer dans deux directions opposées, et les forces vont s’équilibrer autour du centre, à condition, bien sûr, que les pierres aient toutes exactement la même masse et que les ficelles aient exactement la même longueur.
Imaginez encore que vous collez ensemble toutes les pierres et toutes les ficelles dans cette position haute: vous obtenez une toupie !
Alors, pourquoi elle s’arrête et tombe ?
Parce que l’équilibre des forces n’est jamais parfait, et parce que le frottement de la pointe sur le sol ralentit la course : les « pierres » retombent petit à petit et, donc, ne tirent plus assez sur l’axe pour le tenir debout...

          Les plus anciennes toupies conservées sont en terre cuite moulée, et sont peut-être antérieures à l’invention du tour à bois, qui date du IIe millénaire avant J.C., de l'Age du Fer, à moins que, tout simplement, le temps n’ait eu raison de celles qui étaient tournées en bois…

Qui a inventé la toupie : un adulte ou un enfant ? Et tout de suite surgit la question : à ces époques reculées régies par la pensée magique, c’était quoi un adulte par rapport à un enfant ?
Et que croyaient ou savaient vraiment ces anciens concernant les astres et la dimension cosmique de notre objet ? Peut-être plus qu’on ne croit…

Tout ce qui est rond et tout ce qui tourne est sacré et, bien sûr, le cycle des saisons, éternel pour nous, aléatoire pour eux: quoi de plus naturel que la toupie pour symboliser cela ?
Et quoi de plus magique dans le pouvoir de relancer symboliquement le monde et de lui redonner son équilibre, s’il venait à le perdre ?
Associée à quoi, la toupie ? Au jeu ? Au rite ? Mais, n’est-ce pas la même chose ?

Parfois semblable à un dé, la toupie devient jeu de Hasard qui, comme l’on sait, est l’autre nom de Dieu…
          De ce point de vue-là, le «dreidel » en yiddish ou « sevivon » en hébreu, la toupie juive, est un exemple parfait.
          Cette toupie-dé comporte quatre lettres : Noun, Guimel, Héi, et Chin, et s’utilise lors de la Fête des Lumières (Hanoucca), c’est-à-dire au Solstice, à l’époque de Noël.
Selon la tradition, la fête de Hanoucca, commémore la victoire juive, en 165 Av. J.C. sur les Grecs qui dominaient la Judée. Les Juifs allumèrent à l’époque une ménora, prévue pour durer un jour. Or, l’huile d'olive brûla miraculeusement pendant huit jours.
http://www.veroniquechemla.info/2011/12/jeux-et-jouets-juifs.html

Les quatre lettres de l’alphabet hébraïque forment l’acronyme de « Nes gadol haya cham », qui signifie « Un grand miracle eut lieu là-bas », (en Israël).

On devine facilement là-dessous les jours de latence et d’incertitude qui s’écoulent entre la « mort » du Soleil et sa « renaissance » à cette époque de son cycle. Les Païens y situaient la saison des Sorcières, et les Catholiques y comptent douze jours, entre Noël et Les Rois qui viennent adorer le nouveau-né.

On comprend mieux maintenant le jeu associé à cette toupie, et les significations qu’elles y acquièrent. Ce jeu consiste à créer un « pot commun », d’argent ou de friandises, puis à lancer la toupie à tour de rôle.
Si elle tombe sur Noun, cela signifie "ne prends rien dans la cagnotte" ; sur Guimel, "prends le tout" ; sur Héi, "prends la moitié" ; sur Chin : "ajoute à la cagnotte".
Symboliquement, c’est bien une conjuration de l’incertitude cosmique qui prévaut, concernant cette période et ce jeu!.
Les croyants Juifs ont associé encore aux mouvements de la toupie des ressemblances avec ceux des leurs qui font la prière : si la toupie « tourne très bien mais reste sur place, elle récite « Chemoné Esré » (la prière des 18 Bénédictions, où l'on reste debout, immobile). Lorsqu'elle se penche d'un côté et de l'autre, elle récite « Osé Chalom », à la fin de la « Chemoné Esré » (où l'on se penche alternativement à gauche et à droite). Si la toupie fait de grands tours, elle fait les « Hakafott de Sim'hat Torah », où l'on fait le tour de la Tévah, ou bimah, estrade où on lit la Torah. Si, enfin, elle tombe d'un côté, elle récite le « Ta'hanoune » (supplications) ».

C’est ainsi qu’un jouet et un jeu sont aussi des supports d’intégration religieuse et sociale.