dimanche 9 novembre 2008

UNE JOURNEE D'ANIMATION

Une journée d’animation parmi tant d’autres.

Pour voir d'autres photos, allez sur : http://picasaweb.google.com/daniel.descomps/JOUETRUSTIQUE?authkey=k4gxPNe7nNM#

Comme au printemps, toujours, renaissent les fleurs aussi belles, à chaque sortie jouets renaît l’aube du monde: je vais rencontrer des regards éblouis, petits et grands —il n’y a pas d’âge pour être jeune—, entendre des éclats de voix qui s’émerveillent et partager la joie des cœurs.
Peu importe qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid ; le soleil sera dans leurs yeux. Et comme toujours, le petit miracle se reproduira.
Le rendez-vous a été pris, parfois longtemps à l’avance, parfois un peu au dernier moment, et les conditions ont été fixées : apporter ces joies qui font un pied de nez à la marchandisation de l’Homme et de la Nature.
Les jouets sont là, enfermés dans des poches de supermarché, disposés dans des bacs en plastique, un peu froissés quelquefois, et dans l’état où ils sont restés depuis le dernier remballage, toujours un peu précipité, de la dernière journée d’animation… surtout si c’est moi qui l’ai fait. Quelques-uns, qui avaient été mis " à l’infirmerie " ont été réparés ; d’autres, plus abîmés, trop fragiles ou un peu délaissés, ne feront pas demain le voyage.
Il faut quelquefois partir tôt le matin, aussi la plupart du temps, le chargement dans la voiture se fait-il la veille. Ah ! ne rien oublier, ni les outils, ni les petits matériaux : noix, cannes de Provence, boîtes de camembert, chambre à air, colle, et une infinité de chutes de bois, de ficelle ou de fil de fer, cupules, galles du chêne, qui passent l’année à somnoler au fond du bac et dont un jour on tirera ce petit objet inattendu qui fera le bonheur d’un enfant.
Parfois avant le petit jour, enveloppé dans la froidure de l’hiver, parfois à l’aube claire de l’été, respirant les dernières bribes de fraîcheur avant la canicule, mon compère Michel, qui est toujours à l’heure, m’attend au seuil de sa maison. Et nous voilà partis.
La carte, les itinéraires, les kilomètres, et enfin le lieu de destination : petit village, bourgade ou ville que l’on va découvrir au hasard de l’inspiration, en s’égarant dans les rues pour visiter un peu —je ne le fais pas toujours exprès—sous prétexte de chercher la salle ou la place qui nous accueillera.
Et puis voici la rencontre avec les organisateurs —parfois des retrouvailles, des amitiés nées d’une année précédente— ; tout est ici possible, mais c’est toujours déjà la fête qui commence : les jouets sont attendus : les anciens qui ont été aimés et les nouveaux qui vont faire des conquêtes.
L’installation, ah !, l’installation, toujours improvisée, inattendue ! Ici ce sera une ancienne étable au sous-sol d’une grange où pendent, du plafond, des toiles d’araignées séculaires d’où, tout à l’heure, tombera une dense pluie de poussière équivoque dont il faudra se protéger avec des parapluies de fortune. Là ce sera une somptueuse salle médiévale en ogives de pierres taillées, décorée d’un goût sûr, sorte de réfectoire de moines ou de repaire de chevaliers. Plus loin, un alignement de tables sur des tréteaux bancals, à l’ombre le matin, en plein cagnard l’après-midi. Et encore ces tables basses d’école maternelle où il faudra raccourcir ses jambes ou se casser les reins pour être à la hauteur, et ces magnifiques étals, couverts de nappes de papier pastel, sous le ciel d’une bâche lumineuse, parmi les arbres d’un parc gazonné. Et, tout en haut d’une colline sacrée, cette petite église souterraine…
Dans un silence respectueux ou dans le vacarme de baffles grands comme des camions, dont le souffle renverse et dont le bruit annule toute communication ; mais il paraît que maintenant " ça le fait " !
Cela, c’est pour le lieu. Il faudra maintenant déballer, classer, disposer les jouets par thèmes : le vent, la noix, l’eau, les mécanismes roulants et les autres.
Bien sûr, j’ai toujours oublié la bonne ficelle ou les punaises pour installer les funambules —et Michel me le rappelle vertement, en dissimulant mal son inépuisable bonhomie—, ou alors il n’y a rien au mur pour les fixer. Mais là n’est pas le souci! Le problème c’est le succès immédiat, incontrôlable —d’ailleurs, pourquoi le contrôlerait-on, si on est précisément venus pour le créer— : les premiers jouets n’ont pas été encore mis au jour qu’une nuée de visiteurs les a déjà pris en mains : les organisateurs et leurs enfants, les autres exposants s’il y en a, les maîtres des écoles qui veulent voir avant les élèves, toucher, jouer, régresser. Même l’autorité de Michel se révèle impuissante…
Et c’est irrépressiblement parti : jusqu’au soir il n’y aura plus une seconde de répit.
D’un côté, l’exposition où Michel règne en maître, et de l’autre l’atelier où je règne aussi —un peu moins ?—. C’est que, dans ce duo de grands pères demi clowns, il y a deux chefs, sans que personne ne sache qui est le plus chef des deux. Mais non ! C’est une blague ! C’est un truc d’animation où les fausses querelles, les reproches simulés et les compliments réciproques —ceux-ci parfois mérités— entretiennent la bonne humeur.
L’expo et un atelier .
On ne saurait présenter une animation ludique en " tirant la gueule " ! Mais, par bonheur, point n’est besoin de se forcer : les jouets, ces petites merveilles qui ont traversé les siècles et parfois les millénaires en se chargeant à chaque génération, d’un peu plus de magie, n’ont aucune peine à réaliser pour nous l’essentiel. Il n’y a qu’à les écouter et les suivre ; se laisser porter par eux.
Si l’atmosphère globale est toujours sensiblement la même, si les visages et les sourires s’épanouissent toujours aussi largement, les innombrables anecdotes inépuisablement diffèrent.
C’est le petit grand père un peu penché, un peu bancal, à l’expression figée, que ses enfants ont sans doute sorti pour un moment de la maison de retraite où, petit à petit, il s’éteint, le guidant par la main.
Péniblement il s’approche ; le regard reste vague et les mots d’encouragement de sa famille restent inopérants.
Je connais ce profil de visiteur, comme beaucoup d’autres d’ailleurs : tout comme avec les très petits enfants, les mots ne servent ici à rien.
C’est la saison de la folle avoine, et j’en ai préparé un fagot. Devant lui, sans un mot, je coupe un morceau de paille et je le fends —geste unique où l’erreur n’est pas permise—, et je le lui mets dans la bouche, bien profond :
—Soufflez !
Il n’a plus guère de souffle, le grand père, et ça ne marche pas.
—Plus fort !
Il semble que, du fond de sa mémoire d’antan, ressurgisse un souvenir, un souvenir gestuel. Il souffle plus fort, et, soudain, ça couine ! Et il recommence !
Le regard s’éclaire, les muscles du visage reprennent un peu de vie ; on sent presque une larme dans les yeux, et la bouche dit " Merci ! ".
Merci à qui ? C’est moi qui dois le dire, le merci ; merci à ce jouet qui m’a permis, aujourd’hui, de ne pas m’être levé pour rien, car grâce à lui j’ai pu éclairer un moment l’hiver de ce vieil homme. Et cet hiver, que je souhaite pour moi encore un peu lointain, j’en vois et j’en mesure pleinement la froidure…
C’est aussi cette petite mamie, bien mise —trop bien mise ?— dont le port noble et résigné trahit sans doute une grande solitude, et qui passe un peu loin, n’osant pas s’approcher.
Elle, il faut aller la conquérir, sortir du cadre de l’atelier, et, toujours sans l’obstacle des mots, lui présenter le " canta caramèl ".
—Moi, à mon âge ? Vous croyez ?
—Tenez ; soufflez !
Elle ose. Elle a encore de l’énergie. Et le bruit l’émerveille :
—Ah, ça, alors !
—Vous voyez qu’il n’y a pas d’âge pour être jeune —je n’ose pas dire " pour être belle "— ?
Combien de temps cela fait-il qu’elle n’avait reçu d’un étranger une aussi modeste expression de simple tendresse humaine ?
Ses traits se libèrent, et son sourire est beau.
Froidure et misère de la vieillesse emmitouflée de dignité, quel désert affectif entoure, isole au loin, ce cœur qui pourrait encore aimer ?
Elle est repartie, sans plus rien dire. Mais l’étoile filante d’un instant de bonheur aura, pour elle aussi, illuminé un peu son long parcours de solitude.
Encore une journée qui n’aura pas été perdue !
Pendant ce temps là, les plus jeunes, déjà équipés de mirlitons, de " buses " et ce " canta caramèl ", s’égayent dans la fête, emplissant l’atmosphère de leurs chants, de leurs cris, de leurs rires.
Mais le centre de l’attraction magique, c’est Michel —il aurait fait un bon sorcier !— qui, ludion en mains, captive les foules agglutinées autour de lui.
Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ; ceux qui trouvent et ceux qui ne trouvent pas la " ficelle ". Adultes et jeunes de tous les âges, hommes et femmes confondus.
Et il faut voir les visages des uns autant que ceux des autres, entendre les commentaires, les rires, les exclamations lorsque quelqu’un comprend, les reproches quand un petit malin explique trop tôt le truc !
Il faut dire que Michel ne fait rien pour aider ceux qui " sèchent " ; il m’appelle même parfois pour que j’apporte les ciseaux, " ceux qui coupent bien ", et que je sectionne la ficelle. Et bien entendu, cela ne fait qu’augmenter la perplexité des curieux.
L’exposition est immanquablement le coeur d’une ruche qui bourdonne en permanence.
Les questions fusent de toutes parts : sur les techniques, les matériaux, la provenance des jouets, leur histoire et leur authenticité, les outils, sans compter les demandes de ceux qui voudraient en acheter —mais il n’y a rien à vendre !—, et Michel qui les connaît tous très bien ne manque pas de répondre complaisamment. Et s’il lui vient parfois un doute, je l’entends dire au visiteur :
—Allez voir le monsieur avec la barbe, là ; c’est lui qui les fabrique, et il vous l’expliquera.
Et puis, il y a la " grenouille ". Ah ! La " grenouille " !
C’est le monde du merveilleux à l’état pur.
Et vous, qui savez lire ces lignes, vous l’entendrez peut-être, mais vous ne pourrez plus jamais la voir…
La grenouille, elle a toujours un peu soif, ça n’aime pas la sécheresse les grenouilles ; aussi faut-il souvent lui donner à boire. Elle a donc un verre d’eau après d’elle et, chaque fois qu’un enfant approche, on commence par tremper le bâton dans le verre, en expliquant bien qu’elle a soif, et que si elle ne boit pas, elle ne pourra pas chanter. C’est qu’il convient de mettre en place le sortilège !
Vous n’y croyez pas, vous ? Cela ne m’étonne pas, et c’est malheureusement normal. Passés les deux ou trois ans d’âge, on a perdu la faculté d’apercevoir la grenouille, sauf Michel et moi qui avons encore conservé ce don.
Arrive le grand moment pour les magnifiques photos : il convient que le photographe se place derrière l’animateur, face à l’enfant qui regarde. Il doit y avoir, dans les albums de famille, des dizaines ou des centaines de ces instantanés uniques où l’on saisit, grandeur nature, le merveilleux tout vif, dans les grands yeux des petits.
—Tu es prêt ? Alors, écoute : la grenouille va chanter.
On fait tourner le bâton mouillé, entaillé d’une encoche circulaire, autour du fil guipé bien tendu, et la grenouille chante ! (Pour les grands, disons que le ripage du fil guipé —autrefois on employait du crin de cheval enduit de paraffine— sur le bois du bâton produit une vibration transmise à la membrane de plastique épais et amplifiée par la caisse qui peut être un tronçon de gros bambou ou une boîte fabriquée avec des planches de cagettes de fruits. Mais ça, c’est l’arrière cuisine, c’est la face cachée du sortilège.)
L’enfant est entré pleinement dans le jeu ; il en oublie le flash et le public qui s’extasie, qui s’attendrit, qui n’en perd pas une miette.
—Alors, elle y est, là, la grenouille ? Regarde bien !
Les bustes se penchent en contorsions, les têtes se redressent à l’envers, et les regards tentent de sonder le fond de la boîte, par-dessous.
—Oui, elle y est !
—Non…, je ne la vois pas… —se lamente un autre.
—Eh bien, mets la main ; essaye de l’attraper, tu verras bien si elle y est.
Va-t-il (elle) oser ? Ne serait-ce pas un peu risqué ? Certains s’ aventurent, d’autres pas.
Alain le philosophe, pédagogue serein et avisé, écrivait qu’il fallait surprendre l’enfant par des tours de magie, lui faire vivre pleinement cet instant d’exception, puis, tout doucement pour ne pas rompre brutalement le sortilège, l’amener à réfléchir. Et il avait raison, car le but n’est pas de tromper l’enfant.
Nous avons choisi pour cela de dire :
—Tu crois que papa (ou maman) saurait la faire chanter, la grenouille ?
Perplexité, crainte de la mise en échec du parent aimé et admiré, parfois ils hésitent : regard inquiet vers papa ou maman, et aussi vers l’animateur. Faut-il avoir confiance ? Mais l’invitation, toujours très ludique, accueillante et jouant sur la curiosité, réussit immanquablement à emporter l’adhésion.
Et maman ou papa s’y prêtent de tout cœur, offrant leur tendre complicité, tellement bien que je me demande souvent s’ils ne l’ont pas vue, eux aussi, la grenouille, tant la contagion est forte du merveilleux où est plongé leur enfant.
Savons-nous apprécier pleinement ces uniques instants, éphémères, beaux et fragiles comme papillon qui butine ?
Puis chacun construira sa réponse et partira avec son rêve…
La " grenouille ".
Au cours des animations, les compliments, parfois émouvants, toujours sincères feraient presque rougir si on les prenait pour soi. Peut-être sommes-nous un des maillons de la chaîne culturelle que nous tenons en mains ? Mais c’est au jouet lui-même, donc à ses créateurs et aux générations qui l’ont porté, que va toute cette reconnaissance !
Il serait difficile de rapporter les mots entendus : peut-être que le lecteur penserait qu’ils ont été " arrangés ". Par contre, il est facile de recopier quelques exemples de ceux qui ont été écrits sur le " Livre d’Or " de l’exposition de Pujols en 2004 :
Par des enfants (Orthographe respectée)
" C’est super impresionnant se que vous faite en si peut de temps. " Pierre.
" C’est trèst joli votr magasin, jaime bien vo chose sa alair trest dure a faire. " Lucie 7 an.
" Je trouve ça vraiement bien, je vois qu’avec un petit peu de bois on peut faire des choses extraordinaires, félicitations " Lena.
" C’était vraiment bien ! Je ne me doutais pas que quelque chose d’aussi simple puisse être aussi amusant ". Louis
Par des adultes
" Tout ce qui n’est pas donné est perdu, merci de nous transmettre vos connaissances. " Patricia.
" Des doigts de fée plus de l’intelligence, c’est beaucoup de bonheur pour les yeux et les cœurs des enfants et des adultes. Bon courage ! "
" Ce qui se passe ici est merveilleux. Des personnes avec un tel amour n’existent plus beaucoup. J’aimerais essayer de me fabriquer aussi de telles merveilles. " Joséphine.
" Garder une démarche et un esprit d’enfant, quoi de plus sain dans cette p… de vie qui nous entoure ! ! ! " Simon, Fanette, Jeanne, Didier.
Atelier à Pujols
On pourrait multiplier ces citations, au risque de lasser le lecteur. Ces quelques exemples suffisent, je crois, pour donner le ton.
Et, pour l’animateur qui est bien conscient de ne pas y être pour grand chose, c’est tout de même aussi de merveilleux instants de bonheur partagé.
Voici maintenant que se présente une presque " jeune fille " —13/14 ans—.
—Vous savez, j’ai acheté votre livre et j’ai fabriqué un jouet.
—Ah, bon ! Lequel ?
—La Colombe d’Archytas.
Je suis toujours étonné par les choix, surtout les premiers, que font les débutants. Ce ne sont, bien sûr, jamais les mêmes, et ce sont souvent des modèles difficiles. Cela confirme bien au moins deux choses : que le choix fonctionne au " coup de cœur ", et qu’un accompagnement est nécessaire.
—Et alors ?
—Alors, j’ai un souci parce que la ficelle sort de la poulie, et ça ne marche pas… Mais, si vous voulez, j’habite pas loin et je peux vous l’apporter.
—D’accord ; avec plaisir.
Et voici que la petite revient avec son jouet. Autre surprise, qui n’en est plus d’ailleurs, tant la chose est fréquente : la touche personnelle apportée à la réalisation. J’ai, pour ma part, réalisé le jouet dans de petites dimensions —à peine 20 cm de long pour l’ensemble—, et dans du bois fin et assez léger. Le sien mesure bien 60 cm, et le bois principal est une véritable branche, coupée sur un arbre sec, légèrement tordu, qui a été fendu et percé d’énormes trous, et la poulie est faite d’un disque d’aggloméré d’au moins 20 cm de diamètre. L’ensemble est à l’avenant.
—C’est toi qui l’a fabriqué ?
—Oui, toute seule !
—Eh bien, chapeau pour les petites mains ! Voyons un peu.
L’ensemble est tellement lourd qu’il n’y a aucun problème pour obtenir la force nécessaire au battement des ailes ; il n’y a même pas besoin de contre poids.
—Je vois : tout est prêt pour que cela fonctionne ; le seul problème, c’est que ta poulie n’est pas bien fixée à son axe. Donc, lorsque tu suspends le jouet, le poids te la met en travers et, naturellement, la corde saute ! Attends, on va arranger ça.
Ouf, je n’avais pas oublié ce jour-là le tube de colle à bois. Notre jeune réalisatrice a tout de suite compris, et nous avons collé la roue.
Le plus long, c’était d’attendre que ça sèche, et la journée était terminée. Elle est repartie ainsi. Mais, si quelque problème subsiste, de cette jeune tête où tout est maintenant bien clair, je ne doute pas que surgira la solution.
Le cœur a ses raisons…
" Ici, il n’y a rien à vendre ! " Combien de fois par jour sommes-nous amenés à redire cette phrase qui déçoit tant de monde ?
Mais, existe-t-il règle sans exception ?
La dame a vu, touché, essayé tous les jouets de l’exposition. Elle tourne, s’éloigne et revient, puis s’enhardit et s’approche, tenant en mains la " Ronde aux sept nains ".
—C’est combien celui-ci ? L’accent est anglais, la courtoisie impeccable, et quelque chose dans la voix et dans les yeux révèle un intérêt étrange.
—Ici, il n’y a rien à vendre, Madame.
—Ah ! Mais, vous ne pourriez pas me faire cette faveur ?
—Non, vous savez, ici nous voulons donner envie de faire les jouets soi-même. Notre but est éducatif, pas commercial.
—S’il vous plaît, pouvez-vous venir et m’écouter ?
Et la dame m’entraîne un peu à l’écart de la foule des visiteurs.
—Je vais vous expliquer : c’est pour un cadeau bien particulier.
—Je comprends, mais…
—Non, vous ne comprenez pas ! C’est pour mon mari, pour son anniversaire.
—Ah !
—Mon mari, il est là-bas, dans la voiture. Il est très malade, et il n’a pas pu venir jusqu’ici. Mon mari a travaillé le bois toute sa vie, et il adore ce style de jouets. Vous voyez, il fête bientôt son anniversaire, et il m’a dit : " Tu sais, ce sera le dernier… ".
—…
—Nous serons sept à son anniversaire, les plus intimes de la famille, et sur ce jouet il y a sept personnages. Vous ne croyez pas que c’est un signe ? Ce serait pour lui une si belle surprise !
—…
—Je vous en supplie, faites une exception Ce n’est pas le prix qui compte, vous me comprenez bien ; dites-moi combien…
—Je ne sais vraiment pas quoi vous dire.
—Ne me dites rien ; tenez, personne ne nous aura vus.
Et la dame m’a glissé quelque chose dans la main. Je n’ai même pas regardé. J’ai seulement vu les larmes dans ses yeux, mélange émouvant de joie et de tristesse.
Pourquoi dire ou questionner plus ?
La dame est repartie dans l’anonymat de la foule, vers son amour et vers l’angoisse de son deuil à venir.
Les " Sept nains " ont dû ajouter leur modeste présence à une intense fête d’ombre et de lumière.
Sont-ils, aujourd’hui, orphelins ?
Tout cela pourra surprendre le lecteur, lui laisser croire qu’il s’agit là de rares exceptions ou que ce sont les seuls événements qui ont marqué des années de pratique.
Eh bien, il n’en est rien ! Ce ne sont en effet que des exemples, parmi les plus récents, et vieux d’à peine quelques mois, à l’heure où je les relate.
D’autres, innombrables, se sont un peu brouillés dans ma mémoire : j’ai seulement le souvenir qu’il y eut de gais, d’hilarants, de pittoresques, d’incongrus, ou de plus émouvants encore.
Au rythme, et à l’intensité des instants, la journée file en comète.
La fatigue s’installe : par les journées de grand froid, les os ont gelé malgré les petits ou les grands " remontants ". Les soirs de canicule, on est un peu " dans le rouge " comme on dit " sur le Tour de France ".
Il va falloir ranger : les deux compères se donnent le signal mutuel.
Et…, c’est maintenant qu’ils arrivent ! Les visiteurs de la vingt-cinquième heur, plus impatients, plus passionnés s’il est possible, que les autres.
Combien de fois a-t-il fallu ressortir tel ou tel jouet, pour une photo, pour une explication ? Car le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Reprendre le couteau pour confectionner un dernier mirliton —un avant-dernier ?—, une dernière " buse " pour la petite sœur, pour réparer un irréparable " canta caramèl ".
Et il faudra laisser cruellement sur place la cohorte des déçus du jour, bien trop tardivement arrivés, à moins que la séance ne se poursuive… dans la rue, après que le concierge de la salle, qui respecte les horaires de travail, nous ait fermé la porte à regret.
Michel a réussi à remballer impeccablement l’expo ; l’atelier, quant à lui, a été chargé un peu —ou beaucoup— dans le désordre. Les au revoir, à l’année prochaine, les embrassades parfois, et c’est parti.
Sur la route, on " décompresse ", on commente.
La charge de fatigue disparaît sous la dose d’adrénaline.
Ce soir, avec autant d’émotions, de souvenirs et… de crampes dans tous les muscles du squelette, il faudra encore longtemps pour s’endormir…
—Au fait, c’est où la prochaine sortie ?

Ludus carnavalis



Ludus carnavalis

C’est de voir mourir les uns après les autres tous les pèrenoëls auxquels, hier encore, nous croyions, eux qui avaient bercé ou structuré notre âme d’enfant et même d’adulte confiant, que me vient cette grande amertume.
On dit que l’étude des choses du sacré fait devenir anticlérical ou mystique : il me semble que je deviens les deux ! D’ailleurs, n’est-ce pas la même chose ? Voyez comment les mystiques —Ste Thérèse d’Avila, les Soufis, etc.— sont mal vus par leurs propres hiérarchies …
On ne se lasse jamais de déconstruire l’inextricable réseau sémantique qu’a patiemment et savamment tissé l’Eglise catholique —chapeau les artistes !— , pour coloniser et gouverner notre pensée. Et, à l’amertume de se sentir floué vient s’ajouter l’indignation !
Ainsi en est-il à propos du Carnaval.


Le Carnaval : ce que l’on observe.
Il n’est pas ici question de décrire par le menu tous les carnavals que chacun connaît bien. Je tenterai plutôt d’en extraire les points communs, d’en schématiser en quelque sorte la structure.
Commentons un peu ces aspects communs. Nous les reprendrons plus loin différemment.
*Les lieux : il semble aujourd’hui que le Carnaval se célèbre un peu dans tous les pays du Monde. C’est une indication trompeuse, sur laquelle il faudra revenir.
*Un aspect caractérise tout de suite le carnaval, c’est le moment où il se déroule : le cœur de l’hiver, et cela, quels que soient la latitude ou le continent. Voilà une caractéristique importante et qui sera très révélatrice.
*Les déguisements sont de tous les Carnavals, et les masques aussi, qui, beaucoup plus que l’anonymat symbolisent le chaos.
*Les bruits : surtout avec des instruments en bois, qui produisent des sons secs, réputés chasser les mauvais esprits, comme les crécelles.
*La levée des interdits et l’inversion des rôles sont bien entendu les points les plus polémiques. Une morale étriquée et myope n’y a vu que l’extériorité, alors que c’est l’un des fondements essentiels de la fête.
*Le feu, et la crémation du " Bonhomme Carnaval ". Tout a une fin, et celle-ci est chargée de symboles de purification.

Le rôle historique de l’Eglise catholique
Afin de bien contextualiser le rôle de l’Eglise catholique face au Carnaval, il convient de rappeler quelques faits historiques.
Au IVe siècle de notre ère, l’Empire Romain n’était plus ce qu’il avait été. Il lui fallait se ressaisir, en retissant les liens politiques et sociaux.
Parallèlement, ce qui n’était encore que la secte chrétienne, prenait de plus en plus d’importance dans l’Empire.
On sait qu’il n’est pas possible de gouverner les peuples par la raison, et l’empereur Constantin (274 – 337) le savait aussi. En bon stratège, il comprit que, plutôt que de combattre le christianisme —il faudrait dire : le ‘paulinisme’, car cette Eglise est plus celle de Saint Paul que celle de Jésus !—, il valait mieux le noyauter et le détourner à son profit. Il en fit donc une religion d’Etat, fondant ainsi un empire théocratique, ancêtre de l’Etat du Vatican, lui qui, rappelons-le, n’était pas chrétien et avait commis, sur au moins cinq des membres de sa plus proche famille, autant de crimes ou assassinats…

Le Christianisme étant devenu Religion d’Etat, les divers ecclésiastiques de l’Empire, bardés de certitudes et de pouvoirs, les " milites Christi " ou " miliciens du Christ ", allaient s’affronter, en Gaule, Hispanie, Germanie, aux religions locales des " pagani ", autrement dit des ‘ploucs’, qui deviendront ensuite des ‘païens ".
Ces religions locales étaient de style druidique ou chamanique. Le fait qu’elles s’adressent à d’autres dieux ne devait pas être l’obstacle principal pour l’Empereur qui adora toute sa vie Sol Invictus, fut aussi arien, et ne fut baptisé qu’à l’article de la mort !
Par contre, ces religions n’avaient pas de structure centralisée, chacune s’arrangeant à sa manière avec son druide ou son chaman, dans l’inextricable foule de leurs dieux, comme cela a été si bien caricaturé dans " Obélix ".
On comprendra vite que cette ‘anarchie’ devait nuire considérablement à l’unification de l’empire.
La méthode syncrétique du recouvrement d’une religion par une autre, telle que l’on peut encore la voir en action en Amérique Latine, s’imposa. Par exemple, c’est en 354 que le pape Libère fit naître officiellement Jésus le 25 décembre, jour de la naissance de Sol Invictus.
De la même manière, les temples ou les " nemetons ", dédiés à Bélénos, la principale divinité gauloise, ont été recouverts par l’archange Saint Michel qui possède à peu près les mêmes attributs que lui.
On pourrait multiplier les exemples à l’infini, car la méthode a été systématique.
Revenons au Carnaval.
Dans son zèle prosélytique, l’Eglise s’est ménagé de nombreux arrangements avec le Ciel, bien sûr, mais aussi avec l’étymologie.
Les dictionnaires actuels en portent encore la trace. C’est ainsi que la plupart d’entre eux donnent au mot " Carnaval " des définitions qui tournent autour de ceci :
1 . Période de réjouissances profanes qui va de l’Epiphanie au début du Carême.
2 . Divertissements publics (bals, défilés) du Carnaval.
3 . Période où l’ordre social, les hiérarchies sont symboliquement supprimés ou retournés.
Les plus savants donnent même l’étymologie : le mot serait issu du bas latin ou de l’italien " carne levare ". On aurait donc : " carne ", du latin " caro "/ "carnis ", qui signifie chair des animaux et des fruits, matière par opposition à esprit, et " levare " qui, par ‘haplologie’ —excusez du peu !—, aurait donné " carnevale ", et " carnaval.
Super ! Mais, quest-ce, diable, que l’haplologie ? C’est la suppression d’une syllabe qui se trouve, ou bien redoublée dans un mot, —comme " obamamania " qui devient " obamania "— ou bien trop ressemblante à une autre.
Mettons cela en application : " car-ne-le-va-re " ; quelles sont les syllabes identiques ou ressemblantes ? … Aucune. Ah !
Si " carne levare " est devenu " carnevale " > " carnaval, il y a eu une inversion entre deux syllabes, " le " et " va ", et il s’agit d’un métathèse.
Alors, pourquoi parler d’haplologie ? On croirait entendre les médecins de Molière…
Mais, admettons qu’il s’gisse bien de " carne levare ". Alors, ce verbe, " levare " ? Il provient de l’adjectif " levis " qui signifie léger, d’où son premier sens, soulever. Il signifie aussi alléger, soulager, et enfin ôter, enlever.
" Carne levare " signifierait donc soulever, ou alléger, ou même ôter la viande. Pour un mardi gras, ‘ça le fait pas’, comme on dit aujourd’hui.
Mais, bon, c’était le Moyen Age et, avec une bonne dose d’haplologie, ça pouvait passer. Le bon peuple devait admirer ce beau parler, et ça suffisait bien.
Mais il y a toujours quelques pisse-vinaigre, pervers empêcheurs de tourner en rond, qui se mêlent d’apprendre à lire et, pire encore, de réfléchir.
On est donc passé à autre chose, qui semble bien moderne encore aujourd’hui : " carnaval " viendrait de l’italien —ça marche aussi en espagnol— " carne vale " (en latin, " vale " veut dire ‘porte-toi bien’), où " vale " signifie à peu près ‘d’accord’.
Ouf ; on en avait encore pour quelque temps !
Mais, patatras ! Et si ce n’était pas ça ? Ah, ces fausses étymologies ‘vendues’ par l’Eglise au Moyen Age !
On est maintenant sur une autre piste. Plus sérieuse, peut-être : la racine indo-européenne " KRN ".
Pour retrouver les racines indo-européennes des mots, il suffit parfois d’enlever les voyelles ; on peut ici se livrer à l’opération inverse, et on trouvera, entre autres, " corne ", et les chercheurs ont tout de suite fait le rapprochement avec Cernunnos, le dieu celtique cornu —les cornes symbolisant ici la puissance—, nommé ainsi sur une inscription gallo-romaine du musée de Cluny.
On pourrait penser aussi au mot espagnol " cornudo ", qui signifie cocu. Nous y reviendrons.
Dans la langue celte, " kern " désigne le sommet de la tête et les bêtes à corne, comme le cerf.
Sans aller beaucoup plus loin, on trouvera encore la tribu gauloise des Carnutes, la trompette de ces mêmes Gaulois, le carnyx, et encore Carnac, cairn, et peut-être... couronne. Oh, scandale !
En s’inspirant des nombreuses recherches publiées ici ou là, on pourrait facilement faire étalage d’érudition, mais ce serait lâcher la proie pour l’ombre. Un peu comme si on s’attachait, s’agissant du mariage, à décrire en détails la forme des souliers, des plats de la cuisine ou des cordes des instruments de musique. On oublierait ainsi la signification essentielle et fondatrice de la cérémonie, qui est la protection de l’ordre social, par l’empêchement du vagabondage sexuel —source majeure de trouble—, et l’assurance de la bonne reproduction et de l’éducation de l’espèce.
Et puis que nous parlons de mariage, revenons à nos " cornudos ", et pensons aux représentations traditionnelles du Diable, sous les aspects d’un bouc doté d’une magnifique paire… de cornes !
Il ne faut pas oublier que le Diable, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est une invention assez tardive de l’Eglise catholique, qui a fait d’une pierre deux coups : diaboliser les religions locales en donnant au Diable les aspects de leurs propres divinités ! Même chose pour les servantes de ces cultes, qui sont devenues des " sorcières ".
Et les cornes de l’infortuné mari ? Pas difficile ! En tant que fauteur de trouble —pour ne pas avoir ‘tenu’ sa femme suffisamment—, il était forcément diabolique. Car le Diable, c’est aussi le trouble : celui du Carnaval, car il est double.

Où est-ce que cela nous mène ? A considérer que le Carnaval est la survivance, plutôt mal tolérée, de religions préexistantes, diabolisées par l’Eglise catholique.
Je dis que ces religions antérieures étaient chamaniques et, en disant cela, je ne prends pas beaucoup de risques, car il est probable que toutes les religions ont cette origine. Mais il faudrait définir le mot qui est au centre de cette affirmation.
Le chamanisme, de manière schématique, est une pratique religieuse fondée sur un ou des états modifiés de la conscience, obtenus par des moyens divers : drogues (la ayahuasca, le peyote, le chanvre indien, l’opium, l’alcool de notre bon vieux Noé…), le jeûne, le tournoiement sur soi-même (les Soufis), etc. Une fois plongé dans cet état, le chaman croit être directement en contact avec l’au-delà, avec les dieux, et ses fidèles aussi. C’est une logique simple : ce qui n’est pas naturel est surnaturel.
Oui mais voilà : le chamanisme ne s’embarrasse pas de structures institutionnelles, et, de plus, il est pleinement en phase avec les cycles naturels de la nature et de l’Homme. Et ça, ce n’est pas bon pour les dictateurs, qu’il s’agisse des politiques ou des financiers !
Nous avons vu que le Carnaval est célébré un peu partout dans le monde. Je crois cependant qu’il ne peut être originaire, sous la forme que nous lui connaissons, que de l’Europe du Nord. En effet, et en raison même de ses composantes chamaniques intimement imbriquées dans les cycles des saisons, on ne voit pas vraiment le lien, par exemple au Brésil, sous les Tropiques, ou dans l’Hémisphère sud, avec l’inversion des saisons..
On me dira que le " Pourim " des Juifs est une sorte de Carnaval ; c’est vrai sur le fond, mais il se trouve que ses manifestations les plus " carnavalesques " (les déguisements, la beuverie) il les doit à ses influences européennes yiddish, et non à son passé biblique.
Tout cela plaide pour une recherche plus approfondie.

Le sacrifice fondateur.
Nous allons maintenant remonter beaucoup plus haut, et pour cela revenir à Cernunnos. Ce dieu, gaulois et celte, était identifié au cerf. Le cerf : en voilà un sacré animal ! Et aussi un animal sacré. Ambivalence du Sacré…
D’une manière quasi universelle, le cerf symbolise une foule de caractéristiques essentielles : la force vitale et la sexualité, le renouveau avec la chute et la repousse de ses bois, la terreur sacrée par l’outrance de son brame.
Et ce n’est pas tout : il passe pour être un grand connaisseur des herbes médicinales, et un amateur d’amanites tue-mouches, champignons… hallucinogènes.
Mieux encore, il passe pour un véritable initiateur en ces pratiques magiques.
Voilà pourquoi les chamans de Sibérie lui rendent un culte aussi diligent.
Ayant tout cela à l’esprit, c’est en réexaminant toutes les caractéristiques bien connues du Carnaval, que nous allons retrouver René Girard et le sacrifice fondateur du " bouc émissaire ". Tiens, le bouc, encore un animal cornu !



Les déguisements, avec les masques et les bruits d’instruments cacophoniques, l’inversion des rôles et la dissolution des interdits : ce premier ensemble caractérise très précisément le chaos, dans le " conflit des doubles ".
Les doubles jouent ici un grand rôle.
Si l’on observe un peu le champ sémantique des termes associés au Carnaval, on découvre facilement le concept de " double ". Par exemple, le " Diable " —" dia-bolos " de "dia" = " divisant complètement" et de "bolos" (b a l l w) = "jeter, mettre" ; "dia" est peut-être dérivé de "dis" = "double", "douter", "à double sens".
Par ailleurs, Cernunnos est parfois représenté sous un double aspect : jeune imberbe / âgé, chauve, et il est lié par Jules César à " Dis Pater " —on retrouve ici le " dis "—. En tant que dieu de la terre et du monde souterrain, Dis Pater était lié à la mort et à la nuit, mais il était aussi géniteur, rayonnant et lumineux, au caractère guerrier, dieu druide, maître de la science, de la sagesse et de la magie. Encore un double !
Pour les gaulois, il était sans doute le "premier homme", ensuite divinisé et devenu maître de la vie et de la mort, à l'origine des êtres et des choses, père de la richesse souterraine et des techniques agricoles. Nous y reviendrons.
Nous avons affaire ici au chaos pré-sacrificiel, celui qui, à la suite des dérives de la contagion mimétique, dissout la communauté et conduit à l’indifférenciation (masques et inversion des rôles, beuveries, licence…).
Les bruits associés à ce chaos sont évoqués par les instruments cacophoniques, les cris, les chants.
Le chaos, à la fois déstructurant et contrôlé dans le temps s’achève sur la crémation du Bonhomme Carnaval, chargé de toutes les turpitudes du groupe, rappel du sacrifice de la victime propitiatoire ou ‘bouc émissaire’.
Puis, par un retournement cathartique de la situation, la victime devient idole, et on retrouve notre Cernunnos, symbole à la fois de la mort et de la nuit, et de la vie et de la lumière, initiateur de toutes choses et de l’ordre social en particulier.
Il s’agit bien là d’un " ludus ", c’est-à-dire d’un jeu, en ce que le jeu est lui aussi un ‘remix’ du sacrifice.
Ainsi, contrairement à ce que croient certains rationalistes désincarnés, ou intégristes, le Carnaval a une fonction essentiellement conservatrice de l’ordre, et cela à relativement peu de frais, par rapport à ce que coûtent les dérives incontrôlées d’une certaine jeunesse d’aujourd’hui.
Mais, allez faire comprendre cela à nos politiciens…